Guide pour le diagnostic clinique différentiel des lésions de la muqueuse buccale
Numéro du cours: 110
Contenu du Cours
Lésions de surface blanches
L’érythème migrant (langue géographique, glossite migratoire bénigne) est une lésion commune, inoffensive, qui peut typiquement être diagnostiquée par ses caractéristiques cliniques. Il se présente sous la forme de plusieurs plaques rouges entourées d’une bordure blanche irrégulière et épaisse. La lésion se résorbera à un endroit pour apparaître ailleurs (migration). Cette condition n’est généralement pas douloureuse et ne requiert aucun traitement. Si le patient se plaint de sensation de douleur ou de brûlure qui accompagne les lésions, un diagnostic de candidose concomitante ou de syndrome de la bouche brûlante doit être envisagé. Dans de rares cas, les lésions des érythèmes migrants peuvent être observées sur les muqueuses buccales autres que la langue.
Érythème migrant
Érythème migrant
La stomatite nicotinique* est une lésion d’épaississement épithélial du palais dur causée par la chaleur de fumée de pipe, de cigare ou occasionnellement de cigarette. La lésion est blanche, rugueuse, asymptomatique et présente une apparence de cuir. Elle contient de nombreux points ou macules rouges. Les macules rouges correspondent à l’inflammation des orifices des canaux des glandes salivaires. La stomatite nicotinique n’est pas considérée comme une lésion précancéreuse et n’a pas besoin d’être biopsiée. Cependant, le clinicien devrait encourager le patient à arrêter de fumer, et la muqueuse buccale doit être examinée régulièrement. Le pronostic de la stomatite nicotinique est bon, mais le patient présente un risque accru de développer un cancer ailleurs sur les voies aérodigestives supérieures.
Stomatite nicotinique
Stomatite nicotinique
Le nævus blanc spongieux* est une maladie génétique généralement congénitale ou se développant durant l’enfance. La muqueuse buccale est diffusément blanche, rugueuse, épaisse et plissée. Il se trouve habituellement sur les surfaces latérales de la muqueuse buccale, mais d’autres zones de la muqueuse buccale peuvent être touchées. Les muqueuses nasales, pharyngées et anogénitales peuvent être affectées. Cette condition n’est pas douloureuse. D’autres membres de la famille présentent souvent la même condition. Les caractéristiques cliniques et les antécédents permettent d’établir le diagnostic. Cette condition est bénigne et ne requiert aucun traitement. Le pronostic est excellent.
Nævus blanc spongieux
Nævus blanc spongieux
Le leucœdème est un changement blanc généralisé de la muqueuse buccale qui est probablement une variation d’une muqueuse normale plutôt qu’une maladie. Sa cause est inconnue. Il se produit beaucoup plus souvent chez les personnes noires que chez les personnes blanches. Le leucoedème est diffus et symétriquement distribué sur la muqueuse buccale. Il peut s’étendre à la muqueuse labiale. Son apparence est gris-blanc, opaque ou laiteuse. Il peut être lisse ou plissé à la palpation, et il ne s’enlève pas au grattage. Il se caractérise cliniquement par le fait que son apparence blanche s’atténue lorsque la muqueuse buccale est étirée. Le leucoedème est asymptomatique et le patient n’a donc pas conscience de sa présence. Il est diagnostiqué cliniquement sans biopsie. Aucun traitement n’est nécessaire. C’est une lésion bénigne et non précancéreuse.
Le lichen plan* est une maladie inflammatoire chronique touchant la peau et la muqueuse buccale. Il correspond à une anomalie de la défense immunitaire qui provoque la réaction des lymphocytes T sensibilisés aux antigènes dans l’épithélium squameux stratifié supérieur. Souvent, il est associé à des médicaments que le patient prend, et il est alors appelé « mucite lichénoïde médicamenteuse ». Le lichen plan classique et la mucosite lichénoïde médicamenteuse sont semblables sur le plan clinique et microscopique.
Lichen plan
Lichen plan
Les lésions cutanées du lichen plan se composent de plaques prurigineuses (démangeaisons), érythémateuses à violet clair, parfois avec un réseau de lignes ou de stries blanches en surface. Les lésions buccales apparaissent le plus souvent sous la forme d’un épaississement épithélial blanc disposé en réseau (stries de Wickham) avec un érythème de la muqueuse environnante. Des plaques blanches, des érosions érythémateuses et des ulcérations peuvent également apparaître. Les lésions blanches ne sont pas douloureuses, mais les érosions et les ulcérations le sont la plupart du temps. Le lichen plan présente presque toujours des lésions multiples bilatérales. La muqueuse buccale est communément touchée. Les lésions buccales peuvent apparaître avec ou sans lésions cutanées.
Lésions cutanées du lichen plan
Les lésions asymptomatiques ne requièrent aucun traitement autre qu’un examen lors des consultations dentaires annuelles. Des corticoïdes topiques ou systémiques permettront presque toujours de maîtriser, mais pas de soigner, les érosions et ulcérations douloureuses liées au lichen plan. Si le lichen plan est réfractaire au traitement traditionnel, une biopsie par incision est souvent nécessaire pour établir un diagnostic définitif.
Le terme « leucoplasie » désigne une lésion cliniquement blanche d’épaississement muqueux qui ne peut être définie plus en détail. Après observation au microscope, la plupart des « leucoplasies » s’avéreront des hyperkératoses, avec ou sans dysplasie épithéliale, carcinomes in situ ou carcinomes à cellules squameuses superficiellement invasifs. La leucoplasie est une description clinique et non un diagnostic; le terme ne sera donc plus utilisé dans cette formation.
L’hyperkératose (kératose focale)* est un terme de microscopie désignant un épaississement de la couche de kératine de l’épithélium squameux stratifié sans preuve microscopique de cellules épithéliales atypiques. Cliniquement, les lésions hyperkératosiques sont des plaques blanches, rugueuses et non douloureuses qui ne peuvent pas être enlevées au grattage. Elles sont souvent causées par une irritation chronique, comme une morsure ou le tabagisme.
Les lésions hyperkératosiques des surfaces de la muqueuse buccale qui sont normalement kératinisées, comme le dos de la langue, le palais dur et la gencive attachée, constituent parfois une réaction physiologique (un cal) à une irritation chronique. Ces lésions se résorberont en général si l’agent irritant est éliminé. Les lésions hyperkératosiques présentes sur les surfaces normalement non kératinisées sont potentiellement plus graves et doivent être biopsiées si elles ne se résorbent pas après l’élimination des agents irritants. Il ne faut pas oublier que la dysplasie, le carcinome in situ et le carcinome à cellules squameuses peuvent se produire sur toute surface de la muqueuse buccale.
Hyperkératose
Hyperkératose
La dysplasie épithéliale se manifeste par un développement atypique ou anormal de l’épithélium squameux stratifié bordant la surface de la muqueuse. C’est un diagnostic qui doit être établi au microscope. Sur le plan clinique, ces lésions correspondent à des zones blanches, rugueuses, non douloureuses, ou à des plaques rouges non douloureuses (« plaques érythroplasiques » ou « érythroplasie »), ou encore à des plaques qui présentent des zones à la fois rouges et blanches. Dans la mesure où ces lésions sont asymptomatiques, le patient n’en a généralement pas conscience. Certaines lésions initialement diagnostiquées comme étant des dysplasies épithéliales évolueront vers un carcinome à cellules squameuses, tandis que d’autres se résorberont. Étant donné qu’il est impossible de déterminer par examen au microscope quelles seront les lésions qui évolueront ou qui se résorberont, le traitement passe par l’ablation chirurgicale complète, si possible, ainsi qu’un suivi.
Le carcinome in situ* est un cancer de l’épithélium buccal qui reste circonscrit à la couche épithéliale. Il se manifeste le plus souvent par une plaque rouge persistante (plaque érythroplasique) ou par une plaque rouge et blanche. Il peut également se présenter sous la forme d’une plaque blanche. Le traitement passe par l’ablation complète. Après l’ablation complète, le pronostic est excellent, même si le patient risque grandement de développer de nouvelles lésions à d’autres endroits de la muqueuse buccale.
Carcinome in situ
Carcinome in situ
Le carcinome à cellules squameuses* est le néoplasme malin de la cavité buccale le plus courant. La consommation de tabac et d’alcool ainsi que l’infection au virus du papillome humain sont considérées comme un facteur de risque, mais le carcinome à cellules squameuses peut se produire chez des patients sans facteurs de risques connus. Le carcinome à cellules squameuses peut apparaître n’importe où sur la muqueuse buccale, mais se manifeste le plus souvent sur les faces ventrales et latérales de la langue, le plancher de la bouche, le palais mou, les piliers amygdaliens et le trigone rétromolaire.
Les lésions d’un carcinome à cellules squameuses superficiellement invasif ou précoce ressemblent davantage à des lésions de surface qu’à des hypertrophies des tissus mous. Elles sont presque invariablement non douloureuses; les patients ne savent donc pas qu’ils ont une lésion. Les lésions précoces peuvent être des lésions d’épaississement épithélial blanches et rugueuses, des lésions non douloureuses rouges persistantes ou une combinaison des deux.
Il est important d’identifier un carcinome à cellules squameuses à son stade précoce, lorsque le traitement est encore possible sans procéder à une chirurgie défigurante. Le principal traitement du carcinome à cellules squameuses buccal passe en effet par l’ablation chirurgicale complète. Une dissection des ganglions lymphatiques est réalisée lorsque les ganglions lymphatiques sont touchés. La radiothérapie est souvent utilisée comme adjuvant à la chirurgie. La chimiothérapie est réservée aux soins palliatifs.
Carcinome à cellules squameuses
Pour voir l’arbre décisionnel pour les lésions de la muqueuse buccale, cliquez sur l’une des options indiquées.
Pour voir l’arbre décisionnel pour les lésions de la muqueuse buccale, cliquez sur l’une des options indiquées.